@Hannibal : malheureusement le retrait du CPE ne change pas grand-chose et n'est pas l'assurance de l'égalité des chances. Cette égalité n'existe pas et n'a jamais existé en France. Les manifestations et en particulier les blocages des universités étaient l'oeuvre d'une minorité d'étudiants. Je suis moi même étudiant (et aussi enseignant à titre temporaire) dans une université parisienne. Je t'assure qu'il suffisait de 20 ou 30 étudiants pour bloquer l'un des centres de mon université. C'est la minorité qui fait la loi malheureusement. D'autre part, le mouvement anti-CPE s'est déclenché en grande partie à l'université parmi les étudiants qui n'étaient pas concernés par le CPE... puisque cette mesure concerne uniquement des jeunes sans qualification. Un étudiant est par définition une personne qualifiée dès qu'il a obtenu son premier diplôme au bout de deux ans d'études et je t'assure que maintenant, il devient difficile de ne pas avoir ce genre de diplôme. Il y environ 10 ans (quand je faisais mes études) il fallait avoir la moyenne à toutes les disciplines pour avoir ses diplômes ; maintenant on fait la moyenne générale ; maintenant je corrige des copies d'étudiants qui ne savent même pas écrire en français ; souvent les étudiants étrangers écrivent mieux que les Français. Enfin bref, ces étudiants n'étaient en aucun cas concernés par le CPE. Le CPE concernait en particulier des jeunes sortis du collège ou du lycée sans diplôme. Et ce ne sont pas ces jeunes qui ont manifesté. Autre remarque d'ordre institutionnel : il est particulièrement désastreux que la foule puisse empêcher une loi de la République de s'appliquer. Cette loi a été votée par les représentants élus par le peuple. Cette loi devait donc être logiquement appliquée et respectée. Ensuite éventuellement, on constaterait ses défauts et on la modifierait. Ce qui vient de se passer est un précédent fâcheux qui ne présage rien de bon dans un pays se prétendant démocratique. La démocratie française s'est exprimée durant ces deux derniers mois par la prise en otages des étudiants qui voulaient travailler (et des enseignants qui voulaient faire leur travail), des usagers des trains, avions, voitures qui ont été pris en otage par des blocages stupides, selon un mode d'expression primitif qui devient malheureusment l'usage en France. Prendre en otage pour exprimer son avis... bel exemple ! Les gens ne votent pas... ils bloquent ! Les gens ne respectent pas les lois de la République... ils les piétinent avec mépris.
Enfin, je ferai une remarque sur l'égalité des chances. On sait parfaitement que les meneurs de ces grèves, en particulier les étudiants syndiqués, sont des sortes d'étudiants "professionnels". Ils vivent souvent bien. Ils passent le double ou le triple de temps à faire leurs études. Souvent ils pensent à gauche dans leur tête mais vivent avec une bonne aisance financière... et ils font la leçon aux autres. Aujourd'hui, on a sacrifié au nom de cette lutte contre le CPE des millions d'étudiants français. Les étudiants n'ont rien fait ou presque depuis février. Ils ont la tête vide. On doit maintenant essayer de leur apprendre des choses en catastrophe si on veut leur faire passer les examens en mai-juin. Dans deux semaines peut être je pourrais revoir mes étudiants (que j'aurais pas vu pendant neuf semaines). Je constaterai alors que certains ont disparu : les étudiants les plus fragiles, ceux qui font des études mais ont besoin d'un encadrement, d'une sécurité, ... eux ils sont déjà perdus pour l'université. Les autres vont revenir. Mais combien auront leurs examens ? Combien vont perdre leurs bourses. Combien d'étudiants étrangers actuellement présents en France vont devoir rentrer chez eux sans diplômes parce qu'ils ne peuvent financer leurs études un an supplémentaire ? Combien de Français vont arrêter leurs études pour les mêmes raisons ? Ce qui s'est passé est vraiment écoeurant car ceux qui ont bloqué ne craignent pas pour leur avenir universitaire. Ils sacrifient l'avenir universitaire des autres, ce qui est bien commode. Or, pour beaucoup de jeunes (et j'en faisais partie), seules les études étaient susceptibles de rétablir (de manière imparfaite) cette fameuse égalité des chances. Pour beaucoup de jeunes, il n'y a rien d'autre que des études réussies qui peuvent les sortir de là où ils sont (la banlieue française). Eh bien, ce désastre universitaire de 2006 va les maintenir bien au fond du trou où ils sont déjà et le retrait du CPE n'y change rien. Enfin à propos de la philosophie française : les Français ont pour une grande partie la haine de l'entreprise. L'entreprise est une chose perverse, uniquement destinée à exploiter l'employé ; on apprend ça aux jeunes et ça a l'air de bien marcher apparemment ! Ici les gens pensent que l'Etat s'enrichit miraculeusement, qu'il devrait procurer du travail à un grand nombre de personnes. Ici les gens pensent que l'Etat peut tout payer, tout financer. Ici les gens pensent que quand l'Etat paye quelque chose, cet argent ne vient pas de la poche des contribuables, qu'on peut donc toujours en demander plus. Ici les gens pensent qu'aucune réforme n'est indispensable depuis 20 ou 30 ans et que l'on peut maintenir tous les avantages et privilèges de certains salariés au détriment des autres. C'est ça la vérité : le modèle social français est en train de s'écrouler et personne ne veut rien faire. Quand on propose des choses différentes, on obtient le résultat qu'on vient de voir ces derniers mois. Mais comme disait justement un journaliste français, l'avenir est en train de s'installer en Inde... en Chine. On peut continuer à se boucher les yeux, à garder tout ce qu'on a sans rien changer, sans changer de mentalité ni évoluer, ... Pour réagir au commentaire précédent, il est vrai qu'il aurait pu donner une chance à certains jeunes immigrés non diplomés. Mais leur a-t-on donné la parole dans cette crise ? Pas du tout. Les grévistes, syndicalistes, ... se moquent bien d'eux évidemment. Cela étant dit, je nuancerai. On renvoie à l'étranger l'image d'une immigration méprisée en France, surtout après les émeutes de l'automne dernier. Là encore, c'était une minorité qui s'est agitée et qui s'est sentie encouragée par la couverture médiatique des événements. Aujourd'hui énormément de jeunes issus de l'immigration parviennent à faire des études universitaires. Dans mon domaine, par exemple, j'ai vu le nombre d'étudiants maghrébin devenir de plus important alors qu'il était presque inexistant il y a 10 ans. Ceux qui sont en difficulté sont assez souvent des jeunes qui ne voulaient pas faire d'études et qui n'ont pas été poussés par leurs parents ; ils pleurent parce qu'ils n'ont pas d'avenir mais ils ne veulent pas faire d'études et pas travailler. La vérité, c'est que beaucoup de jeunes immigrés aiment étudier, sont encouragés par leurs parents et réussissent à faire entre 2 et 3 ans d'études universitaires, ce qui est déjà bien. Ceux là, on peut les plaindre s'ils ont du mal ensuite à trouver du travail. Mais en fait, c'est dur pour tout le monde, quelle que soit l'origine. Et ça n'ira pas en s'arrangeant car l'économie mondiale se déplace vers de nouveaux pôles et aucun syndicat, aucune grève ou aucun blocage ne pourra empêcher cette réalité ; et si on attend seulement avec des illusions et des rêves, on ne pourra rien faire pour s'adapter à cette réalité. A+ Hannibal
@ Roumi: Merci pour ce commentaire à la fois exhaustif et informatif . Le mien malheureusement ne sera pas assez exhaustif que le tien :P, mais je crois que t'as présenté une analyse presque complète de la situation étant donné que tu as vécu ce qui s'est passé ce dernier mois en France. Merci encore pour ta visite et pour tes commentaires instructifs.
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@Hannibal : malheureusement le retrait du CPE ne change pas grand-chose et n'est pas l'assurance de l'égalité des chances.
Cette égalité n'existe pas et n'a jamais existé en France.
Les manifestations et en particulier les blocages des universités étaient l'oeuvre d'une minorité d'étudiants. Je suis moi même étudiant (et aussi enseignant à titre temporaire) dans une université parisienne. Je t'assure qu'il suffisait de 20 ou 30 étudiants pour bloquer l'un des centres de mon université. C'est la minorité qui fait la loi malheureusement.
D'autre part, le mouvement anti-CPE s'est déclenché en grande partie à l'université parmi les étudiants qui n'étaient pas concernés par le CPE... puisque cette mesure concerne uniquement des jeunes sans qualification. Un étudiant est par définition une personne qualifiée dès qu'il a obtenu son premier diplôme au bout de deux ans d'études et je t'assure que maintenant, il devient difficile de ne pas avoir ce genre de diplôme. Il y environ 10 ans (quand je faisais mes études) il fallait avoir la moyenne à toutes les disciplines pour avoir ses diplômes ; maintenant on fait la moyenne générale ; maintenant je corrige des copies d'étudiants qui ne savent même pas écrire en français ; souvent les étudiants étrangers écrivent mieux que les Français. Enfin bref, ces étudiants n'étaient en aucun cas concernés par le CPE.
Le CPE concernait en particulier des jeunes sortis du collège ou du lycée sans diplôme. Et ce ne sont pas ces jeunes qui ont manifesté.
Autre remarque d'ordre institutionnel : il est particulièrement désastreux que la foule puisse empêcher une loi de la République de s'appliquer. Cette loi a été votée par les représentants élus par le peuple. Cette loi devait donc être logiquement appliquée et respectée. Ensuite éventuellement, on constaterait ses défauts et on la modifierait. Ce qui vient de se passer est un précédent fâcheux qui ne présage rien de bon dans un pays se prétendant démocratique.
La démocratie française s'est exprimée durant ces deux derniers mois par la prise en otages des étudiants qui voulaient travailler (et des enseignants qui voulaient faire leur travail), des usagers des trains, avions, voitures qui ont été pris en otage par des blocages stupides, selon un mode d'expression primitif qui devient malheureusment l'usage en France. Prendre en otage pour exprimer son avis... bel exemple ! Les gens ne votent pas... ils bloquent ! Les gens ne respectent pas les lois de la République... ils les piétinent avec mépris.
Enfin, je ferai une remarque sur l'égalité des chances. On sait parfaitement que les meneurs de ces grèves, en particulier les étudiants syndiqués, sont des sortes d'étudiants "professionnels". Ils vivent souvent bien. Ils passent le double ou le triple de temps à faire leurs études. Souvent ils pensent à gauche dans leur tête mais vivent avec une bonne aisance financière... et ils font la leçon aux autres.
Aujourd'hui, on a sacrifié au nom de cette lutte contre le CPE des millions d'étudiants français. Les étudiants n'ont rien fait ou presque depuis février. Ils ont la tête vide. On doit maintenant essayer de leur apprendre des choses en catastrophe si on veut leur faire passer les examens en mai-juin. Dans deux semaines peut être je pourrais revoir mes étudiants (que j'aurais pas vu pendant neuf semaines). Je constaterai alors que certains ont disparu : les étudiants les plus fragiles, ceux qui font des études mais ont besoin d'un encadrement, d'une sécurité, ... eux ils sont déjà perdus pour l'université. Les autres vont revenir. Mais combien auront leurs examens ? Combien vont perdre leurs bourses. Combien d'étudiants étrangers actuellement présents en France vont devoir rentrer chez eux sans diplômes parce qu'ils ne peuvent financer leurs études un an supplémentaire ? Combien de Français vont arrêter leurs études pour les mêmes raisons ?
Ce qui s'est passé est vraiment écoeurant car ceux qui ont bloqué ne craignent pas pour leur avenir universitaire. Ils sacrifient l'avenir universitaire des autres, ce qui est bien commode. Or, pour beaucoup de jeunes (et j'en faisais partie), seules les études étaient susceptibles de rétablir (de manière imparfaite) cette fameuse égalité des chances. Pour beaucoup de jeunes, il n'y a rien d'autre que des études réussies qui peuvent les sortir de là où ils sont (la banlieue française). Eh bien, ce désastre universitaire de 2006 va les maintenir bien au fond du trou où ils sont déjà et le retrait du CPE n'y change rien.
Enfin à propos de la philosophie française : les Français ont pour une grande partie la haine de l'entreprise. L'entreprise est une chose perverse, uniquement destinée à exploiter l'employé ; on apprend ça aux jeunes et ça a l'air de bien marcher apparemment ! Ici les gens pensent que l'Etat s'enrichit miraculeusement, qu'il devrait procurer du travail à un grand nombre de personnes. Ici les gens pensent que l'Etat peut tout payer, tout financer. Ici les gens pensent que quand l'Etat paye quelque chose, cet argent ne vient pas de la poche des contribuables, qu'on peut donc toujours en demander plus. Ici les gens pensent qu'aucune réforme n'est indispensable depuis 20 ou 30 ans et que l'on peut maintenir tous les avantages et privilèges de certains salariés au détriment des autres.
C'est ça la vérité : le modèle social français est en train de s'écrouler et personne ne veut rien faire. Quand on propose des choses différentes, on obtient le résultat qu'on vient de voir ces derniers mois. Mais comme disait justement un journaliste français, l'avenir est en train de s'installer en Inde... en Chine. On peut continuer à se boucher les yeux, à garder tout ce qu'on a sans rien changer, sans changer de mentalité ni évoluer, ...
Pour réagir au commentaire précédent, il est vrai qu'il aurait pu donner une chance à certains jeunes immigrés non diplomés. Mais leur a-t-on donné la parole dans cette crise ? Pas du tout. Les grévistes, syndicalistes, ... se moquent bien d'eux évidemment.
Cela étant dit, je nuancerai. On renvoie à l'étranger l'image d'une immigration méprisée en France, surtout après les émeutes de l'automne dernier. Là encore, c'était une minorité qui s'est agitée et qui s'est sentie encouragée par la couverture médiatique des événements. Aujourd'hui énormément de jeunes issus de l'immigration parviennent à faire des études universitaires. Dans mon domaine, par exemple, j'ai vu le nombre d'étudiants maghrébin devenir de plus important alors qu'il était presque inexistant il y a 10 ans. Ceux qui sont en difficulté sont assez souvent des jeunes qui ne voulaient pas faire d'études et qui n'ont pas été poussés par leurs parents ; ils pleurent parce qu'ils n'ont pas d'avenir mais ils ne veulent pas faire d'études et pas travailler. La vérité, c'est que beaucoup de jeunes immigrés aiment étudier, sont encouragés par leurs parents et réussissent à faire entre 2 et 3 ans d'études universitaires, ce qui est déjà bien. Ceux là, on peut les plaindre s'ils ont du mal ensuite à trouver du travail. Mais en fait, c'est dur pour tout le monde, quelle que soit l'origine. Et ça n'ira pas en s'arrangeant car l'économie mondiale se déplace vers de nouveaux pôles et aucun syndicat, aucune grève ou aucun blocage ne pourra empêcher cette réalité ; et si on attend seulement avec des illusions et des rêves, on ne pourra rien faire pour s'adapter à cette réalité.
A+ Hannibal
@ Roumi: Merci pour ce commentaire à la fois exhaustif et informatif . Le mien malheureusement ne sera pas assez exhaustif que le tien :P, mais je crois que t'as présenté une analyse presque complète de la situation étant donné que tu as vécu ce qui s'est passé ce dernier mois en France. Merci encore pour ta visite et pour tes commentaires instructifs.
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